Féminisation des gouvernances : l'Europe montre la voie

L'élection et la nomination de deux femmes à la tête des institutions européennes constituent une indéniable progression sur le terrain de la parité, écrivent deux auteures d'une note pour l'Institut Montaigne. Il faut maintenant que les entreprises du continent emboîtent le pas en féminisant davantage gouvernances et postes clefs.

Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne, Christine Lagarde présidente de la Banque centrale européenne (BCE). Des femmes, enfin ! S'il convient de s'en réjouir, tirons les leçons de cette évolution pour notre propre pays, nos entreprises et nos institutions. Car derrière l'enjeu (légitime) d'égalité impliqué par la recherche d'une diversité de genre, se trouve également un enjeu de performance : la présence de femmes à tous les échelons d'une organisation est un facteur de compétitivité démontré.

Non parce que les femmes seraient plus efficaces que les hommes, car naturellement parées de vertus distinctives (écoute, conciliation, sens du collectif) - un préjugé sexiste qui les cantonne souvent à des postes de gestion des ressources humaines ou de communication. Mais parce que la domination physique de l'homme a provoqué archaïquement chez les femmes des comportements spécifiques d'adaptation et un corollaire simple : pour gagner leur place aux côtés des hommes, elles doivent surperformer.

Un seul chiffre pour illustrer ce lien entre féminisation de l'entreprise et résultats : dans le monde, sur un échantillon de 300 entreprises, celles comptant le plus de femmes dans leurs instances exécutives affichent un rendement de 47 % plus élevé et des résultats d'exploitation 55 % plus hauts que celles qui n'en ont aucune.

La France… en retard

Pragmatiques, les fonds anglo-saxons - après avoir constaté que les start-up fondées par des femmes génèrent plus de revenus tout en ayant plus de difficulté à lever des fonds - sont très attentifs au critère de diversité de genre, passé en revue au même titre que d'autres dans les processus de « due diligence » et d'audit. On est loin du compte en France, où les études corrélant genre et performance restent peu diffusées, soulevant souvent scepticisme ou mépris.

Si la loi Copé-Zimmermann a contraint les grandes entreprises à féminiser leurs conseils d'administration, l'entrée massive des femmes dans les sphères de pouvoir s'est pourtant arrêtée aux sphères non exécutives. On observe en effet 43,8 % de femmes dans les conseils d'administration du SBF 120, contre seulement 17,7 % dans leurs instances exécutives.

Le secteur public n'est pas plus exemplaire : les femmes représentent 54 % de l'effectif total et seulement 26 % des emplois de direction. Si le premier gouvernement de l'ère Macron a affiché une parité de bon aloi, les cabinets comptent seulement 37 % de conseillères ministérielles, 24 % de directrices et directrices adjointes de cabinet, véritables lieux d'exercice du pouvoir.

Et pour cause : la diversité a du mal à trouver sa place dans un système français qui considère que la société est institutionnellement et intrinsèquement égalitaire en droit. Des statistiques existent certes pour ce qui concerne la diversité de genre, mais les mêmes ressorts de méfiance vis-à-vis de politiques visant des catégories ou des communautés conduisent à des réflexes de rejet des programmes de quotas… En France - peu importent les études, statistiques, faits - on ne discrimine pas, même positivement.

Responsabiliser les dirigeants

Si la gouvernance européenne n'a jamais été aussi féminisée et constitue une indéniable progression sur le terrain de la parité, ce sujet qui touche la moitié de l'humanité ne doit pas cesser d'être une actualité dans les conversations et dans les normes. La note publiée par l'Institut Montaigne « Agir pour la parité : performance à la clef » formule des propositions concrètes pour résoudre cette anomalie persistante.

Cela passera notamment par de nouveaux mécanismes de transparence et l'affirmation et le suivi des objectifs des dirigeants en la matière, en particulier en ce qui concerne l'accès aux femmes aux instances exécutives. Nous croyons à la publication des données pour responsabiliser les dirigeants et faire évoluer les mentalités.

Nous croyons à la pression exercée par une société civile informée pour inciter les entreprises, associations professionnelles et institutions françaises à se doter d'une politique efficace. Nous croyons que la diversité de genre est un enjeu de société, un enjeu d'égalité, mais également un enjeu économique, de performance des écosystèmes. À leurs représentants de s'en saisir avant qu'inévitablement la norme ne les y contraigne faute d'avancées suffisantes.

Aulde Courtois et Jeanne Dubarry de Lassalle, auteures de la note « Agir pour la parité : performance à la clef » pour l'Institut Montaigne.

Article initialement paru dans LEs Echos Aout 2019.

Précédent
Précédent

Le Covid-19, stress test de la raison d'être

Suivant
Suivant

La taxe Gafa ou comment tuer les start-up européennes